Le polonais

Le Polonais traînait encore son vieux chagrin

Il est venu s'asseoir, a demandé du vin

Et les deux mains posées sur la table de bois

Il a servi deux verres, et puis il a dit: "Bois"

Il a parlé longtemps à son chagrin têtu

En lui disant: "Va-t-en, tu vois, je n'en peux plus"

"Cette fois, c'est fini, je veux vivre sans toi"

"Vieux chagrin, je t'enterre pour la dernière fois"

C'étaient deux compagnons qui venaient de très loin

L'un dans l'autre habitant, se partageant le pain

Comme ces vieux chevaux qu'on attelle aux labours

Ils s'étaient rencontrés à la fin d'un amour

Dans le petit bistro, tout le monde attendait

Pour savoir celui qui, le premier, s'en irait

Mais quand l'homme est sorti, derrière lui, pas à pas

Son chagrin l'a suivi, comme les autres fois

Alors le Polonais a sorti son couteau

Et à son vieux chagrin, il lui a fait la peau

Et puis il s'est couché, sans bien savoir pourquoi

Dans le lit sans mémoire d'une fille à soldats

Quand ont sonné midi à l'horloge d'en bas

Il est redescendu, sa veste sur le bras

Il a tourné au coin de la rue du Maroc

Et puis il a pleuré, tout seul, le long des docks